Coordination de ARICY CURVELLO
AUGUSTO MEYER
(1902- 1970)
AU SOLEIL
La fumée des champs s’ appesantit dans l’ atmosphère.
Les lointains tressaillent dilués dans la canicule.
Le boeuf descend la pente en quête d’ ombre
et s’ arrète carrément.
Un courbeau buvant l’ azur
monte toujours plus haut plus haut.
Heureux.
La chaleur brûle la terre, chauffe l’ air.
( Souvenir de glou-glou d’ eau
goût d’ écume limon sable blanc.)
La tête de l’ alezan est une flamme svelte
qui coupe la campagne d’ un large trot.
Je regarde les oreilles pointues qui s1 agitent,
je sens le corps frissonnant du cheval.
Il y a tant d’ harmonie entre le coup des sabots
et mon torse en proie à la fièvre
que je comprends la gloire animale de la course.
Je m’ élance !
Enveloppé de la force du soleil.
(Giraluz)
BILU
L'étoile pâle agonise de grand matin.
Tu t'en vas dans le brouillard comme le fantôme blanc.
Lève le col — il fait si froid !
Le saule se penche vers l'ombre de ta présence.
L'herbe pousse au pied du vieux mur.
Tout est pur comme le soleil qui va poindre.
Véronique de l'amour éternel cloches cloches
de l'enfance et le cerf-volant que tu faisais monter à la tête
du morne.
Toute la ville s'éveillait comme une vallée blanchie à la
chaux.
La sirène ! les fabriques ont appelé.
La brume s'éclaircit au-dessus du fleuve bâillement rose.
A bord le petit chien bâtard aboie aboie.
Les îles naissent dans l'eau :
îles îles perdues, je m'appelle Robinson Crusoë,
ô îles, emportez mes chagrins,
ô flots, lavez mes chagrins.
Les laitiers sont déjà passés dans la rue déserte.
Regarde le pain blond comme un soleil contre la vitre.
La domestique fait de l'œil au gaillard portugais.
Ce sont les planches du chariot qui frappent ; pan !
La sorcellerie de la lumière reprend partout,
des maisons naissent, des rues poussent,
le morne est dans le soleil mais tout est dans l'ombre.
La voile d'un bateau troue la clarté.
Les bateliers sont accroupis pour sucer le maté du matin, ils ont allumé un feu sur la plage ; on en voit à peine la flamme.
Toi aussi, Bilu, tu es pris dans l'engrenage,
ta tête travaille comme un jeu de poulies.
En avant : ta destinée a été gravée sur le sable.
Enfant, tout n'est que poème.
Tu n'en sais rien, par bonheur :
savoir c'est savoir qu'on ne sait rien.
Le vent « minuano » est très mal élevé.
Qui donc a appris des choses aux petits oiseaux « corruiras » ?
Le filet d'eau court vers le ruisseau...
Tout est pur comme les eaux du large.
O terre, terre
baisers pollens respirations marées
chaque geste de moi reproduit le miracle,
j|entends battre dans mon pouls la force obscure,
Je suis emporté par l'infinie adoration.
Car je ne sais pas m'emmurer.
Je songe aux vies qui viendront après.
Je veux le mal je veux le bien.
Qui donc a mis cette lumière irréductible dans mes yeux ?
Matin.
L'étoile pâle est morte.
« POEMAS DE BILU »
Ø Đ Φ
(Da antologia “La poésie brésilienne”, com organização e tradução de A. D. Tavares-Bastos, premiada em 1954 pela Academia Francesa. A 1a. edição francesa foi lançada por Editions Seghers, em Paris, em 1966.)
Página ampliada e republicada em dezembro de 2017
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